15/05/17 - Appel à contribution - Entre controverses environnementales et projets d’aménagement. Le paysage à l’épreuve des sens

lundi 15 mai 2017

Appel à contribution pour la revue électronique en sciences de l’environnement VertigO.

"Dans les années 1990, quand le paysage fait son retour dans le champ de la pratique aménagiste, à titre d’« alternative » (Marot, 1995) à certaines dérives de l’urbanisme moderne, la question du sensible est un champ émergent des sciences sociales, qu’elles soient de l’environnement ou de l’aménagement. On commence alors à questionner les « ambiances » ou les « atmosphères » (cf. travaux du CRESSON à Grenoble, réseau international Ambiances). On cherche à comprendre ce qui détermine les qualités d’un lieu. On souhaite identifier des déterminants de l’attachement à un espace donné, réinterprétant les découvertes, déjà anciennes, des approches phénoménologiques de l’espace (on pense ici à la humanistic geography des années 1970). On s’intéressera bientôt aux affects « pour penser et concevoir la ville » (Bochet, 2008 : 253)."

Ce numéro souhaite appréhender le paysage multisensoriel suivant trois focales :

1) La première s’intéresse à ce que l’on pourrait appeler les sensibilités paysagères. On s’attachera ici à mieux saisir les dimensions esthétiques des controverses paysagères, en focalisant sur les régimes sensoriels des mobilisations citoyennes. De la densification d’une zone de villas à l’implantation des grandes infrastructures de transports, en passant par l’installation d’éoliennes, le paysage a en effet cette capacité de rendre sensible des transformations sociétales qui impactent le cadre de vie. Lieu de manifestation et d’aperception de « ce qui change », le paysage sensible est un puissant vecteur de mobilisation. Comment les dimensions sensibles du paysage sont-elles mobilisées par les acteurs de ces controverses ? Comment les interventions sur le corps des paysages ordinaires (Dewarrat et al., 2003) viennent-elles bouleverser l’écologie sensorielle des collectifs habitants ?

2) La deuxième s’attache aux méthodologies du sensible (Manola, 2013). Il s’agira d’interroger les dispositifs méthodologiques les plus aptes à rendre compte de la multiplicité des rapports sensibles au paysage et des valeurs qui lui sont attribuées. Comment dévoiler les mécanismes qui régissent l’attachement à un paysage (Thibaud, 2015) ? Comment révéler les liens entre les pratiques quotidiennes et les réalités affectuelles d’un paysage ? Quelle place donner aux entretiens, aux processus délibératifs (forums, focus groups, etc.), aux parcours commentés, augmentés (Feildel et al., 2016), aux techniques de représentation issues à la fois des sciences humaines et sociales et de la conception spatiale (cartes mentales, cartes sensibles, cartes dynamiques, blocs-diagrammes, transects…), etc. afin de mettre en langage et en forme tant les expériences sensibles du rapport au paysage que les significations qu’on lui prête ? Quelles sont les difficultés persistantes d’une opérationnalisation du sensible (réticences liées à l’expression de l’intime, faiblesses lexicales, indicibilité de l’expérience sensorielle, souvent inconsciente, etc.) ? Comment explorer les rapports multisensoriels au paysage en articulant les échelles individuelles et collectives ? Comment anticiper les rapports sensibles à des paysages non encore existants (Morello et Piga, 2015) ?

3) La troisième focale s’intéresse à l’espace sensible considéré comme outil et objet de l’aménagement. Depuis quelques années en effet, et notamment en lien avec une considération croissante de la parole et du vécu habitants, les approches visant à fonder le sensible comme levier des projets d’aménagement du territoire connaissent un succès croissant. Ces approches, développées de plus en plus dans les formations des concepteurs spatiaux, se fondent sur le postulat voulant que l’expérience — individuelle ou collective —, les données sensibles issues du paysage sensoriel, soient à l’origine d’un diagnostic plus fin des sites de projet. S’intéresser aux sens ferait émerger une ontologie des lieux que les seuls relevés de leurs caractéristiques ne pourraient saisir. Cette volonté de laisser parler les lieux pour faire projet s’inscrit dans une posture aménagiste qui se revendique d’une éthique de l’inversion paysagère (Cogato, 2005), propre à fonder une « architecture des milieux » (pour reprendre une expression chère à Chris Younès, 2010), en ce sens qu’elle participerait d’une pensée de l’environnement. Mais elle est aussi susceptible de cacher d’autres enjeux, plus politiques. Le travail sur le sensible participe en effet parfois à une entreprise de déstabilisation des cadres aprioriques d’organisation de la ville collective. Il peut par exemple rendre plus flou, plus poreux le périmètre d’un quartier (Matthey, 2015). Il peut bouleverser des images plus quantitatives. Cette focale s’intéressera donc à comprendre comment le recours au sensible travaille les dynamiques des projets d’aménagement, pour le meilleur ou le pire de leurs destinataires.

Les propositions peuvent émaner de chercheurs et de praticiens, avec naturellement la possibilité de textes cosignés. Ils croiseront en tous les cas un axe de réflexion privilégié (analyse des situations d’in/acceptabilité, généalogie, dispositifs, usages savants) avec l’un et/ou l’autre des mondes de la pratique identifiés.

Calendrier

  • 15 mai 2017 : date limite pour l’envoi d’une proposition d’un maximum de 600 mots comprenant, outre le titre provisoire et 5 mots-clés, la mention d’un référentiel théorique, l’esquisse d’une problématique, l’explicitation d’un cadre méthodologique et d’un terrain et enfin l’évocation des résultats (escomptés) ;
  • 15 juin 2017 : avis aux auteurs quant à l’acceptation ou refus de leur proposition ;
  • 1er septembre 2017 : date limite pour l’envoi d’un texte complet respectant les conditions éditoriales précisées sur le site de la revue à l’adresse suivante : http://vertigo.revues.org  ;
  • Évaluation du texte par un comité de lecture — réponse définitive de la revue en novembre et décembre 2018 avec grille d’évaluation des évaluateurs ;
  • Janvier et février 2018 : réception des textes révisés ;
  • Mai 2018 : mise en ligne du numéro ;
  • Sauf pour les dates du 15 mai et du 1er septembre, l’échéancier est fourni à titre indicatif.

Les propositions et manuscrits (avec résumé, texte complet, figures, tables et bibliographie) doivent être soumis par courrier électronique à Jessica Onitsoa Andriamasinoro (rédactrice-adjointe [VertigO]) l’adresse courriel suivante : redacteur.adjoint@editionsvertigo.org. La soumission doit être bien identifiée au nom du dossier : « Entre controverses environnementales et projets d’aménagement : le paysage à l’épreuve des sens ».

Voir en ligne : l’appel à soumission de textes sur le site de la revue