Renard (L.), Renard-Delautre (C.)

La place du paysagiste dans le paysage agricole

Revue Projets de paysage n°17 « Paysage(s) et agriculture(s), Pratiques, projets et politiques dans les territoires ruraux et périurbains », 2017.

1er janvier 2017 / Articles scientifiques

"Alors que le rapprochement entre paysagistes et agriculteurs était bien amorcé dans les années 1990, l’approche esthétisante du paysage est parfois critiquée par un monde agricole qui défend sa vocation de production alimentaire. Donner des leçons de paysage est dorénavant contre-productif. La tentation est grande de prendre en main soi-même le paysage en se faisant agriculteur-paysagiste. Ou alors le paysagiste change de posture. C’est à travers deux expériences, l’une en Beauce et l’autre en Bretagne, que cette nouvelle posture est expérimentée. Ces expériences posent la question de la légitimité du paysagiste à porter un regard sur le paysage agricole et à décider de son devenir. Elles déconstruisent les procédures et les gouvernances habituelles. Les résultats sont probants mais quelles conséquences cela a-t-il sur le métier de paysagiste, sur sa formation et ses ambitions ? Quel « nouveau paysagiste » émerge de ces questionnements ?"

"À la fin des années 1990, des personnalités émanant du monde de l’agronomie, comme André Fleury ou Régis Ambroise, se rapprochèrent de celui des paysagistes pour développer un regard analytique sur les paysages agricoles (Ambroise, 2013). En effet, Régis Ambroise montre que l’action des paysagistes et des agronomes était confondue jusqu’au xixe siècle où une répartition est alors apparue : « aux paysagistes l’aménagement des parcs et des jardins, aux agronomes le développement de la productivité dans les campagnes ». Puis au cours des années 1970, les conséquences de l’industrialisation et de l’agriculture ont amené les agronomes et paysagistes de certains territoires à échanger. Il a résulté de ce rapprochement une série de publications, de conférences, de formations dont l’objectif était de donner des principes d’analyse et d’aménagement de l’espace agricole pour composer des paysages harmonieux et identitaires. Munis de ces publications (Kleindienst et al., 1996, Degré et al., 1996, Ambroise et Hubert, 2002, Buchou et al., 1997), les paysagistes déterminent où restaurer une ouverture visuelle, où améliorer une frange urbaine, où retisser un maillage bocager, où souligner une perspective… Dans ces ouvrages, ce sont aussi les « outils » des paysagistes qui sont mis en avant pour permettre de se projeter dans l’espace. Il s’agit notamment des panoramas légendés, des blocs-diagrammes, des observatoires photographiques… La plus-value des paysagistes apparaît alors dans leur capacité à produire des images qui illustrent un territoire et son devenir.

Or, toujours d’après Régis Ambroise (2013), « à partir des années 2005, alors que les mots d’ordre politiques en faveur d’une agriculture durable se généralisent, les programmes nationaux qui se mettent en place se concentrent sur des problématiques sectorielles : écophyto, directive nitrate, trames vertes et bleues… Curieusement, les paysagistes ne sont plus intégrés dans ces travaux ». En effet, du côté du monde agricole, ce regard esthétisant produit de la méfiance. Parfois, la simple présence d’un paysagiste autour de la table provoque un besoin presque systématique pour les agriculteurs de devoir rappeler le rôle prioritaire de leur métier : nourrir la planète. À l’inverse, ils refusent d’être réduits à des faiseurs de paysage. Cette répartition des rôles est d’autant plus marquée que même au sein des collectivités construites autour d’un projet de territoire, comme les parcs naturels régionaux, le clivage est formel avec d’un côté le paysage et de l’autre l’aménagement rural. Cette répartition thématique des missions induit une segmentation des publics, affectant le public agricole à la mission en charge de l’aménagement rural où le paysagiste n’a pas sa place. Et les travaux transversaux, comme un plan de paysage, ne suffisent pas à dépasser cette posture hostile au « paysage des paysagistes ». Catherine Laurent, économiste à l’Inra, exprimait en 1994 déjà ses doutes sur la pertinence d’orienter l’activité agricole vers la production de paysage qui risquerait d’« imposer la conception du “beau” des décideurs » (Guyeneuf, 1994). [...]"

PLAN DE L’ARTICLE

  • Le paysagiste dessine le paysage et l’agriculteur nourrit la planète
  • L’agriculteur-paysagiste ou le paysagiste-agriculteur
  • Le paysagiste au service des exploitants
    • L’expérience de Lhopiteau
    • L’expérience de Trémargat

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