Koering (E.)

Décoratrice-ensemblière : une étape vers la profession d’architecte dans les années 20 ?

Numéro 35 des Livraisons d’histoire de l’architecture "Femmes, architecture et paysage", pages 111 à 123, premier semestre 2018.

1er janvier 2018 / Articles scientifiques

"Dans les premières décennies du XXe siècle, période où, en France, les hommes disposent des écoles et où l’Ordre des architectes n’existe pas, la femme architecte ne peut être considérée de manière univoque. Semé d’embûches, son ou plutôt ses parcours sont déterminés par sa difficulté à emprunter les chemins institutionnels mais également par l’existence de voies en trompe-l’œil qui, tout à la fois, permettent le passage vers le métier d’architecte ou au contraire l’empêchent. C’est le cas de la profession de décorateur-ensemblier auquel semble idéalement vouée la créatrice de l’entre-deux-guerres et grâce à laquelle quelques femmes, aujourd’hui considérées à tort ou à raison comme architectes, ont pu accéder à ce statut, telles Eileen Gray ou Claude-Lévy. Cet article se propose d’interroger la manière dont, au sein même du champ des arts décoratifs, une hiérarchie sexuée s’est imposée, cantonnant la femme aux activités mineures (reliure, céramique ou dessin de modèles) et l’excluant du domaine plus prestigieux de la conception d’ensemble, lui-même associé au champ de l’architecture. Une hiérarchie qui constitue alors, selon nous, un obstacle dans l’accession des femmes à la profession d’architecte."

"L’intrusion du féminin dans le champ architectural est sans doute trop timide et insuffisamment acceptée pour affirmer que le métier d’architecte s’est féminisé dans les années 20 ; elle est cependant assez concrète, inattendue et préoccupante pour créer une onde de choc au sein d’une « profession bien représentative de labeur viril » et expliquer les interrogations sur la légitimité d’une « architecte en jupons » dans ce « métier d’homme ». La multiplication d’articles consacrés à la femme architecte dans la presse généraliste et spécialisée dès le crépuscule du XIXe siècle et plus intensément dans les années 20, objective un phénomène participant d’un mouvement général d’émancipation féminine et de féminisation du travail considéré par beaucoup comme un « envahissement des professions masculines ». D’articles explicatifs et analytiques en enquêtes pseudo-sociologiques, s’élabore alors un discours critique et interrogatif sur la capacité de la femme à œuvrer en architecte et sur l’intérêt qu’en tirerait la profession, réinterrogeant le postulat de métiers genrés. Parmi ces publications, Le Maître d’Œuvre propose en 1928 une enquête consacrée aux « Femmes-architectes », être hybride comme l’illustre ici la présence d’un trait d’union dont on ignore s’il unit et entérine une nouvelle entité professionnelle ou s’il sépare irrémédiablement la femme du métier convoité. Témoignage édifiant de la situation des femmes, en particulier architectes, cette enquête mêle entretiens avec des diplômées de l’École Spéciale d’Architecture ou de l’École des Beaux-Arts et « réponses » de femmes architectes ou de lettres mais surtout d’hommes architectes, à la question implicitement posée sur la réussite de ces nouvelles venues dans la profession. En dépit d’opinions discordantes, la tendance générale est à la circonspection (des hommes) et à l’énonciation d’un discours stéréotypé, ancré dans un récit mythique sur le rôle naturel de la femme, garant du maintien de l’équilibre social."

PLAN DE L’ARTICLE

  • L’ensemblière au Salon des Artistes Décorateurs et au Salon d’Automne
  • Ensemblière : une étape vers la profession d’architecte ?
  • La naissance de l’ensemblière-architecte

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