Brown (L.), Raybaud (A.)

En école d’architecture, les dérives de la « culture charrette »

Interview de Laura Brown, Par Alice Raybaud, Article du Monde, publié en ligne le 19 novembre 2020

19 novembre 2020 / Articles et revues de presse

"Dans cette discipline issue des Beaux-Arts, la tradition des nuits blanches de travail a la peau dure, malgré les conséquences néfastes sur la santé des étudiants.

La veille, à 2 heures du matin, Alexis s’échinait à couper du carton. De coups de cutter en traits de crayon, lui et son camarade Mathis, étudiants en troisième année à l’Ecole nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Paris-Belleville, ont dû rogner sur leur sommeil toute la semaine pour réaliser trois plans et trois maquettes, reproductions d’un habitat collectif pour leur cours d’atelier du jour. Et d’autres courtes nuits les attendent : leur enseignante, Bita Azimi, demande une maquette « plus imposante » pour l’atelier suivant.

Comme tous leurs camarades, Alexis et Mathis sont « habitués à peu dormir », nous lancent-ils, ce matin d’octobre, dans un haussement d’épaules. Pour eux, la période est même « encore assez cool ». Dans quelques semaines, ce sera le temps du « projet », une conception architecturale personnelle qui demande un investissement plus intense : une « accélération du corps et de l’esprit », prévient Bita Azimi. « On sera tous allongés sur les tables, dépités et épuisés, à enchaîner les charrettes », ironise Mathis.

« Etre charrette » ou « faire charrette » : ces expressions renvoient à la période de travail intensif qui, en architecture, précède le rendu d’un projet, et peut se traduire par des nuits sans sommeil. Le mot est lâché à plusieurs reprises au cours de la matinée, sans surprise tant il est partie intégrante du vocabulaire de la discipline. « La charrette est un classique des études d’architecture, confirme Laura Brown, chercheuse en sociologie des professions à l’université de Bordeaux, architecte de formation. C’est une forme de rite, profondément ancré dans la culture professionnelle. »"

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