Ali-Oualla (M.)

Mobilité et expériences spatiales de migrants marocains

Éléments d’une anthropologie de l’espace contemporain

Thèse de doctorat de l’Université de Bordeaux en Sociologie, effectuée au sein de École doctorale Sociétés, politique, santé publique en partenariat avec Centre Émile Durkheim - Science politique et sociologie comparatives sous la direction de Guy Tapie. Thèse soutenue le 23 mars 2021.

23 mars 2021 / Travaux universitaires

"La migration est une expérience « totale ». Elle conditionne le développement des réseaux de sociabilité, le franchissement de diverses formes de frontières, la construction de territorialités, et l’évolution continue de référentiels social, culturel et spatial. En tant que processus de mouvement et en mouvement, les individus s’y engagent dans une négociation avec les environnements qu’ils investissent, temporairement ou durablement."

"A partir d’une perspective spatiale, j’investigue les mutations de l’expérience quotidienne des lieux de la migration et ce qu’elle révèle d’un nouvel usage des espaces contemporains, dans un contexte de déplacements facilités, et de dématérialisation des modes de coprésence.J’articule ma démonstration sur l’analyse d’expériences spatiales de trois groupes migrants marocains, dans différents rapports à la mobilité : des femmes issues de la migration rurale, en immobilité dans les bidonvilles urbains au Maroc, à Salé ; des anciens combattants marocains bordelais en sur-mobilité entre la France et le Maroc ; des commerçants et entrepreneurs marocains transnationaux bordelais, utilisant la mobilité comme ressource entre la France, le Maroc et ailleurs.Je privilégie les méthodes de récolte et d’analyse qualitatives, afin de mieux traduire l’épaisseur de l’expérience spatiale en migration. Je reconstitue, d’une part, le récit de vie des migrants, qui offre une riche vision diachronique de leurs pratiques et de leurs représentations, au travers d’entretiens semi-directifs et de discussions plus informelles. J’observe, d’autre part, l’appropriation spatiale retranscrite sous forme de visuels, réalisés in situ : cartographie, scène visio-narrative, relevé habité, carnet de notes. La lecture de l’appropriation spatiale amène des éléments d’objectivation du récit biographique et une confrontation directe aux « terrains ».Plusieurs résultats sont à souligner. Des logiques d’adaptation et d’appropriation spatiales similaires apparaissent, attestant de l’universalité de l’habiter en étranger. Garantir l’équilibre de capitaux à l’aide de stratégies spatiales, tirer profit de mobilités matérielle et immatérielle pour maintenir des ponts d’appartenance transterritoriaux, et user de la force du nombre et de la mobilisation collective pour influencer les stratégies urbaines de prise en charge des populations migrantes, font partie des schémas communs aux trois groupes, indépendamment de leur rapport à la mobilité.Je mets aussi en lumière un changement de paradigme quant à la consécration de l’espace domestique comme lieu de reproduction des marqueurs d’origine et d’“autel de la nostalgie”. Que ce soit les femmes immobiles dans les baraques de bidonville, les anciens combattants en pérégrination entre la maison familiale et la solitude des résidences sociales, et les entrepreneurs transnationaux nourris par l’itinérance et les ancrages multiples, l’expression des appartenances culturelles ne passent pas obligatoirement par les appropriations spatiales « matérielles ». Parallèlement, la gestion territoriale et l’organisation des villes changent avec la coexistence de modes d’habiter locaux et étrangers. Face aux stratégies habitantes, les réactions des Etats varient de l’invisibilisation de groupes migrants en marge de la ville, à l’encouragement de leurs investissements immobiliers, en passant par l’adaptation progressive d’offres de relogement et de recasement.La démonstration s’organise en trois parties. La première discute des concepts socio-spatiaux qui structurent ma vision de l’expérience spatiale en migration, en mobilisant une pluralité de champs disciplinaires. La deuxième est consacrée à l’étude ethnographique des dynamiques sociales et spatiales en jeu dans les trois cas. La troisième est une mise en perspective des trois expériences spatiales migrantes, et revient sur les apports méthodologiques des outils narratifs et visuels, ainsi que sur les apprentissages à l’épreuve protéiforme du terrain."

Voir le résumé de la thèse sur le site thèses.fr