Terrenoire (M.-O.)

Le Travail d’architecture au temps des cathédrales

Éditions Recherches, 2004.

2004 / Livres

"Il y a tout lieu de penser qu il y avait une division du travail, et même une hiérarchie très marquée parmi les travailleurs. Mais les frontières n’étaient pas infranchissables. Au plus bas de la hiérarchie : les manœuvres exécutant les tâches les plus ingrates. Ils sont recrutés sur place. Dans les chantiers des monastères, ce sont tout simplement les paysans qui sont de corvée. Quelques-uns sortent des rangs. Mathelin Galopin est manœuvre en 1512 à l’église Saint-André à Bordeaux. On le retrouve maître d’œuvre dans le même chantier en 1517. Les « privilèges » de l architecte sont donc limités : des contrats plus longs, un logement, et quelques petits avantages en nature tels une robe pour lui et sa femme, des gants pour se protéger de la chaux.

Sans conteste, l’architecte est un ouvrier parmi d’autres. D’ailleurs, ne se satisfaisant sans doute pas de ses seuls gages d architecte, on le voit souvent revenir sur le chantier pour y travailler de ses mains. Les contrats avec les maîtres d’œuvre montrent à quel point les chapitres attachaient de l’importance à la présence du maître sur le chantier. Les accords sur ce point se fixaient très diversement, car cela dépendait de l’importance du chantier et de la rigueur du contrat. Ainsi le contrat de Lebas à Bordeaux est très strict et l’engage à l’œuvre presque exclusivement et pour la vie. Il est de plus « astreint à résider sur le territoire de la paroisse, sans pouvoir s’absenter, sauf une fois par an pour visiter sa famille à Saintes ». Pour Colin Trenchant (en 1425), le chapitre va aller encore plus loin : il l’oblige à habiter la maison de l’œuvre, et spécifie même qu’il doit y coucher."