Chadoin (O.)

La féminisation de la profession d’architecte

entre dépréciation statutaire et reconfiguration identitaire [1]

Laboratoire ARD, Ecole nationale d’architecture et de paysage de Bordeaux, 1998.

La profession d’architecte est une profession « établie » au sens où la régulation du nombre et de la qualité de ses membres a depuis toujours constitué pour elle un impératif d’intégration et de cohésion. Par la sélection et le contrôle de ses effectifs (numerus clausus, système des ateliers, cooptation) ce corps n’a jamais négligé la bonne reproduction de son identité et de son territoire d’action [2]. En ce sens la période de turbulence qu’il traverse actuellement peut certes être analysée sur le registre économique de la baisse du volume global de la commande d’architecture mais aussi, et surtout, sur le registre sociologique comme un des effets de l’affaiblissement de la maîtrise que ce corps exerce sur sa construction sociale.

A l’heure où nombre d’analystes mettent l’accent sur les problèmes d’insertion professionnelle des jeunes diplômés, sur le rétrécissement du territoire d’action de la profession, et sur la dispersion de ses effectifs, on peut ainsi voir une des sources des changements qui affectent cette profession dans les évolutions qualitatives de sa population et, en particulier, dans sa féminisation [3] . Pour autant, l’entrée des femmes en architecture se présente comme un processus ambigu et, s’il semble être un des moteurs de la dispersion de cette profession, il n’y a pas de stricte causalité mécanique entre dépréciation du statut et féminisation. A l’inverse, comme l’atteste l’exemple d’autres professions libérales, d’un coté la féminisation oblige à des réarrangements identitaires et, de l’autre, elle peut s’avérer être un atout dans la redéfinition d’une profession et dans l’extension de son territoire.

l’entrée des femmes en architecture


De la même façon que le champ littéraire [4] , le milieu de la création architecturale demeure tant dans son organisation que dans ses représentations les plus communes marqué par un point de vue foncièrement masculin. Jusqu’à une période relativement récente, les ateliers d’architecture, principaux lieux d’apprentissage et de socialisation aux normes et valeurs de cette profession, restaient fermés aux femmes et seules quelques pionnières ont pu y pénétrer. Pour exemple, en 1960 il y avait encore seulement 0,8 % de femmes inscrites à l’Ordre des architectes.

Néanmoins, après la réforme de 1968 (dite "Malraux") la situation des effectifs féminins des écoles d’architecture s’est rapidement débloquée et le pourcentage de femmes diplômées (D.P.L.G) qui était déjà de 15% en 1977 passe dès 1993 à 43% dans un mouvement de croissance continue. Si l’ouverture du système d’enseignement a donc eu des effets réellement visibles en matière d’accès des femmes à la formation d’architecte elle cache cependant un écart qui mérite interrogation : alors que la part des femmes diplômées (en 1993) est d’environ 43% on note seulement 16 % de femmes inscrites sur les tableaux de l’institution ordinale en 1996. Entrées tardivement en profession, non seulement celles-ci constituent la part la plus jeune de l’effectif professionnel (27,7% ont moins de 40 ans) mais elles sont sur-représentées dans les modes d’activités les moins traditionnels de la profession. Pour preuve, elles exercent moins souvent en tant qu’architecte libéral ou associé que les hommes (74% contre 84%) et elles présentent un taux de salariat deux fois plus élevé que celui des hommes (14,2% contre 7,4% [5] ). Par ailleurs, lorsqu’elles ne renoncent pas à exercer la profession d’architecte dans sa forme canonique une frange importante d’entre elles travaille "dans l’ombre d’un architecte [6] " sans être inscrites à l’Ordre, ou, se voient attribuer les tâches les moins valorisées dans des agences à l’organisation très masculine. Parallèlement, elles sont nombreuses à se diriger vers les positions salariées de l’administration publique [7] où sont recensées 4,2% de femmes pour 3,1% d’hommes architectes. Par conséquent, on observe qu’elles sont portées à se diriger plutôt vers les professions salariées liées à l’urbanisme et à suivre les formations complémentaires les plus liées à cette vaste discipline [8] .

Finalement il se dessine une opposition entre un secteur majoritairement investi par les hommes, lié à la conception architecturale la plus classique et un autre, plus large où l’activité de conception et l’exercice libéral sont quasiment absents, et où prédominent les occupations coupées du contact extérieur et de la signature. Une telle opposition n’est d’ailleurs pas absente des esprits puisque toutes les jeunes diplômées que nous avons rencontrées [9] nous ont confié établir une distinction entre "l’architecture pure" et les autres modes d’exercice. En 1980 déjà, une revue d’architecture notait : "de nouvelles spécialités se créent, qui sont plus accessibles aux femmes, parce que ce sont des champs nouveaux et parce qu’il s’agit de tâches facilement considérées comme féminines : travail d’études, de gestion, de conseil, de pédagogie, d’animation, d’information, d’aménagement intérieur [10] ". Tout se passe comme si cette dichotomie relevait en fait d’un classement depuis l’exercice de la conception en libéral (exercice laissant sans doute plus de place à l’expression créatrice) vers les formes les plus "impures", c’est à dire les moins proches de la confection du projet et du statut libéral -les métiers de l’urbanisme se tournant plus fréquemment vers la maîtrise d’ouvrage et les études préalables, que vers la maîtrise d’œuvre et l’architecture vive. Si l’on en croit cette gradation symbolique, force est de constater que ce sont les femmes architectes qui, statistiquement, sont les plus fréquemment portées à s’orienter vers les secteurs les plus "impurs", les moins légitimes, du point de vue des valeurs dominantes de la profession. Sans même évoquer les difficultés d’insertion dont celles-ci font l’objet [11] , on observe effectivement qu’elles sont beaucoup plus nombreuses dans les professions salariées en général et dans le secteur public en particulier.

Sous le terme féminisation c’est donc un ensemble relativement homogène de positions et de trajectoires qui reste à analyser comme étant symptomatique et exemplaire de l’entrée et de la réception d’un nouveau profil sociologique dans un champ de la production culturelle. Lorsqu’on sait le mouvement de diversification et de redéfinitions/rediscutions actuelles à propos des limites du champ architectural [12] , l’écart entre modes d’exercice laisse à penser que les femmes sont effectivement peu nombreuses à exercer la profession dans sa forme la plus canonique : comme concepteur et en libéral. Compris en ces termes le mouvement d’entrée des femmes en profession serait donc, à un premier niveau, un élément prépondérant pour l’éclairage des mécanismes qui aujourd’hui dirigent les discussions autour de la réorganisation de la profession d’architecte. Pour autant, les questions d’une trajectoire d’insertion subie plutôt que choisie de la part des femmes, et de la capacité de la profession d’architecte à accepter les changements identitaires qu’impose la féminisation de son corps, restent entières.

réactions à la féminisation


"La femme peut-elle monter sur une échelle ?" [13] Tel est le contenu de l’objection ironique lancée à l’adresse de H. Dawson qui tentait d’exposer le problème des femmes architectes à l’honorable Institut Royal des Architectes anglais au début du siècle. Un tel débat reflète relativement bien la défiance historiquement entretenue par la profession à l’endroit des femmes architectes. Dans cette profession, liée à l’image du chantier et des relations aux artisans, les professionnels sont encore nombreux à entretenir un sentiment de réserve à l’égard des capacités féminines en matière d’architecture. Parmi les réactions les plus vives et significatives à la question des femmes en architecture, on peut encore entendre : "mais que voulez-vous qu’une femme foute dans ce métier ! C’est pas la peine de se pointer sur les chantiers en jupe et de monter les échafaudages, ce n’est pas sérieux !". De la même façon on peut voir quelques enseignants en architecture émettre des réserves quant à la capacité de la nature féminine à lire dans l’espace. Fort heureusement, ces réactions de fermeture de la profession restent minoritaires. D’autres professionnels, pleins d’une sincère volonté, considèrent, a contrario, que les femmes ont quelque chose à apporter à leur corps et n’hésitent pas à user des perceptions communes des fameuses qualités féminines pour appuyer leur point de vue. Les femmes seraient, disent-ils, "plus sensibles", elles auraient des facultés spéciales "pour l’aménagement et la décoration intérieure" et "le logement ordinaire". Opposant une raison masculine et une passion féminine, certains ont même, à un moment donné, cru voir la source du renouveau des formes architecturales dans l’entrée des femmes en profession [14] . De plus, nombre de modes opératoires et d’oppositions présentes dans la pensée architecturale [15] apparaissent comme des enregistrements ou des "transfigurations savantes" des divisions communes du monde social qui partagent le monde entre un extérieur masculin et un intérieur féminin.

Autrement dit, lorsqu’il n’y a pas fermeture proclamée, les dispositions mentales et les oppositions binaires [16] (intérieur/extérieur ; privé/public ; courbe/droit …) du masculin et du féminin incline la profession à attribuer aux femmes les tâches qu’elle valorise le moins (aménagement intérieur, décoration, architecture domestique).

Mais, outre ces réactions de fermeture côté masculin, ce qui apparaît plus signifiant encore ce sont les expériences du travail en agence telles que décrites par les femmes elles-mêmes. Toutes signalent en effet une espèce d’inadéquation entre le vécu du travail en agence et leurs conditions de genre. Que ce soit au niveau des interactions quotidiennes ou à celui de l’organisation du travail, ce sont toujours des désajustements qui sont mentionnés. De la même façon que l’arrivée des femmes dans les tribunaux pose problème eu égard aux règles qui régissaient les relations dans un tel contexte [17] , ici c’est "l’ambiance de l’agence" qui est en cause. Les rythmes de travail des agences qui restent empreints de l’idéal de l’atelier avec, par exemple, la pratique des "charrettes" semblent en effet poser d’énormes problèmes pour nombre de femmes comme l’illustrent bien les revendications actuelles d’associations de femmes architectes comme l’Union Française des Femmes Architectes, pour l’établissement d’une nouvelle convention collective. Néanmoins les valeurs dominantes de ce champ ne favorisent pas la mobilisation. Les femmes qui parviennent à exercer la profession en libéral sont, en effet, peu mobilisées et refusent souvent d’entendre parler d’une différence entre hommes et femmes architectes. Dans une profession dont les valeurs sont la personnalité individuelle et la création ce sont les dimensions du mérite et du don qui sont mises en avant plutôt que la communauté de conditions.

Confrontées à une profession largement masculine, dont l’organisation du travail est donnée par le rythme des commandes et par la tradition artisanale de l’atelier, les femmes paraissent avoir beaucoup de difficultés à "faire leur place" dans les agences. De plus, elles ajoutent souvent s’être vues confiées plus de tâches subalternes que leurs confrères masculins. Peut-être faudrait-il ici ouvrir la voie à une sociologie "fine" des interactions pour appréhender ces faces à faces au quotidien ?

féminisation et reconfiguration identitaire


En corollaire d’une féminisation de la profession, les places salariées se développent de façon remarquable dans une profession où le statut libéral a largement constitué la norme. Vraisemblablement, cette évolution vers le salariat se confirme, puisqu’en 1975, 1 diplômé sur 10 exerçait sa profession comme salarié dans le secteur public pour 1 sur 5 en 1993. Pour autant, comme le donne à penser l’idée "d’architecture pure", cet ordonnancement nouveau n’est pas aussi anodin qu’il y paraît. Dans une profession dont le caractère libéral est affirmé par le triptyque "indépendance, confiance, responsabilité" et où la dimension essentielle de l’exercice est donnée par la création et la conception du projet, l’exercice salarié ne fait pas l’objet d’un classement très favorable dans l’échelle du prestige professionnel. D’ailleurs, certains diplômés exerçant une fonction autre que celle de la conception, ont souvent le sentiment, à tort ou à raison, "d’être pris de haut" par leurs anciens camarades d’études. Tout se passe comme si la profession, en réponse à l’arrivée d’individus dont les caractéristiques sont susceptibles de dévaloriser la fonction, avait procédé à une redistribution des tâches selon que celles-ci sont plus ou moins valorisées et valorisantes. En bref, aux hommes "l’architecture pure" en libéral, aux femmes l’exercice salarié des métiers de l’urbanisme et de l’architecture. Ainsi c’est en particulier par une différenciation des fonctions qui "peuvent" être occupées par des femmes et qui "doivent" être occupées par des hommes que le corps réagit [18] . Compris comme tel le processus de féminisation est à mettre en relation avec l’instauration d’une reconfiguration identitaire de la profession et l’institution d’une nouvelle "division morale du travail [19] " entre le "pur" et "l’impur".

Ce qui se joue dans cette redistribution des tâches, à un nombre de diplômés plus nombreux et aux caractéristiques différentes, c’est la distinction de ceux-ci. Il faut en effet se souvenir, qu’en dépit de l’existence de filières implicites d’insertion, le titre d’architecte reste "un". Il donne droit à l’exercice et à la revendication de l’identité d’architecte à tous les diplômés, par le biais de l’estampille DPLG délivrée par les écoles, quelle que soit la fonction qu’ils exercent. On comprendra donc qu’ici il est moins question de la division des tâches que du maintien de la définition d’un territoire et d’une expertise, desquels l’architecte tient son statut et les profits symboliques qui lui sont attachés. Autrement dit, ces transformations, tant qu’elles ne sont pas institutionnalisées, posent le problème de l’identité de la profession elle-même. C’est la dispersion des diplômés qui interroge : on peut légitimement se demander, compte tenu des différentes fonctions assurées sous un même titre, s’il y a toujours une unité, un noyau dur, permettant d’identifier et de classer l’architecte dans la nébuleuse des nouvelles professions du cadre bâti.

Dès lors qu’à une même dénomination correspond un ensemble de fonctions aux contours mal définis et qu’une différenciation sociologique des membres de la profession s’installe, c’est un problème identitaire qui sourd. La représentation unitaire de la profession construite sur la sélection des profils sociologiques de ses membres est mise en cause. La vision d’une identité traditionnelle fondée sur la figure du travail libéral est alors au principe d’un sentiment de crise qui fait des places salariées des positions sociales en porte à faux et dévalorisées et amène à assimiler féminisation et précarisation. Par référence à un modèle idéalisé, une conception fondamentaliste du métier [20] , selon lequel un véritable architecte est un homme, concepteur, et libéral, une partie de la profession risque, par-là, d’être disqualifiée par ses pairs. Pourtant, Il dépend de la volonté de l’architecte de considérer que son identité et son territoire sont désormais diversifiés pour envisager son identité future et l’extension de son territoire d’occupation de façon positive, voire stratégique. Peut-être, là encore, le changement viendra-t-il du coté du féminin ?

P.-S.

[1] Une première version de ce texte est paru en 1998 dans la revue Urbanisme, n°302, septembre 1998, pp. 71-74, sous le titre "Féminisation : la fin d’un modèle".
[2] Les professions libérales doivent moins leur existence à une division rationnelle des tâches qu’à une spécification autoritaire de leur place et de leur fonction comme c’est, par exemple, le cas avec la loi sur l’architecture de 1977 qui impose le recours à un architecte DPLG au-delà d’un seuil de construction de 170 m². Cf. M. Weber ; Economie et société, Vol. 1, Pocket, Coll. Agora, 1995 (1 ère ed. 1956).
[3] Les références qualitatives sur ce thème étant encore rares en France on pourra consulter J. B. Morris Dixon, "A white gentleman’s profession ?", Progressive Architecture, n°11, novembre 1994 ; et, A. Bussel, "Women in architecture : Leveling in playing field", Progressive Architecture, n°11, novembre 1995.
[4] Cf. M. de St Martin, "les femmes écrivains et le champ littéraire" in Actes de la recherche en sciences sociales, n°83, juin 1990.
[5] Cette forme d’exercice est encore plus élevée (15,8%) pour les femmes de moins de 40 ans. En outre, la part respective des architectes en situation dite "sans activité" est de 27,6% pour les femmes et de 23,5% pour les hommes. Cf. Bulletin de l’observatoire de la scolarité et de l’insertion professionnelle, n°1, octobre 1997.
[6] Cf. A. Bloch, "L’accès des femmes à la profession d’architecte", in Architecte et Société, Rapport du groupe Environnement et cadre de vie, 1985.
[7] C. de Montlibert, L’impossible autonomie de l’architecte, sociologie de la production architecturale, PUG, 1995, pp. 56-59.
[8] Elles sont 43% à avoir choisi une "diversification au sein de l’architecture" contre 33% pour les hommes. Par ailleurs 32, 8% des architectes salariés dans le secteur public ont fait une formation complémentaire liée à l’urbanisme contre 19% d’architectes libéraux. Cf. Enquête sur l’insertion des jeunes diplômés en architecture, DAU, 1995.
[9] Enquête sur la question des parcours d’insertion des jeunes diplômés en architecture réalisée à Bordeaux. Cf. O. Chadoin, Trajectoire de jeunes diplômés en architecture et recomposition d’un champ professionnel, DEA de sociologie, Université de Bordeaux II, 1996.
[10] Cf. BIP n°89, 14 mai 1980.
[11] En 1993, le chômage touche près de deux fois plus les femmes diplômées que les hommes. Cf. Enquête sur l’insertion des jeunes diplômés en architecture, DAU, 1995.
[12] V. Biau remarque que tous les architectes n’occupent pas les même positions et ne sont pas portés dans leurs pratiques par les mêmes intérêts et qu’une forte différenciation s’installe entre la frange conceptrice et la frange dispersée des métiers de l’architecture ; de même B. Haumont propose de parler non plus de la profession d’architecte mais de parler des "métiers de l’architecture".
[13] Propos rapporté par Mme Fulles in Woman in architecture, 5e congrès international d’architecture, 1900
[14] Cf. JP. Lambert, "Discours à une bonne architecte", revue Esprit, n°10, octobre 1969.
[15] Cf., entres autres exemples, l’ouvrage, de M. Ollivier, Psychanalyse de la maison, (Seuil, coll. "Intuitions", 1972) qui fait de la porte une "fente naturelle" qui marque le passage entre un "intérieur féminin" et un "extérieur plus viril"...
[16] Cf. P. Bourdieu, "la domination masculine", Actes de la recherche en science sociale, n°83, juin 1990
[17] Cf. Anne Boigeol, "Les femmes et les cours : la difficile mise en œuvre de l’égalité des sexes dans l’accès à la magistrature", in Genèses, n° 22, mars 1996, pp. 107-119.
[18] Anne Boigeol, Idem pp. 124-125, note un phénomène semblable pour ce qui concerne les fonctions de la Magistrature.
[19] Cf. E. C. Hugues, "Social role and the division of labor", Midwest Sociologist, 1956, 17 (1), pp. 3-7.
[20] Cf. E. C. Hugues, "The humble and the proud : the comparative study of occupations", The Sociological Quarterly, 1970, 9 (2), pp. 147-156.