30/04/2024 - Appel à articles - Revue Française des Méthodes Visuelles - "Donner à voir et à penser l’habiter face aux catastrophes écologiques et sociales"

mardi 30 avril 2024

Appel à articles pour le numéro 8 de la Revue Française des Méthodes Visuelles sur le thème "Donner à voir et à penser l’habiter face aux catastrophes écologiques et sociales", dossier dirigé par Camille Breton (PAVE, ENSAP Bordeaux), Guillaume Duranel (LET-LAVUE, ENSA Paris La Villette), Giulietta Laki (Sasha, Espèces Urbaines, ULB), Julie Neuwels (ACTE, UR AAP, ULiège) et Damien Vanneste (HADéPaS, Université catholique de Lille ; Uses & Spaces, UCL)

"Qu’elle soit qualifiée de catastrophe, de crise, de désastre ou encore d’effondrement, la situation écologique et sociale actuelle implique, de gré ou de force, un changement civilisationnel structurel (Barrau, 2023 ; Latour, 2021 ; Stengers, 2013). Elle oblige notamment à revoir notre façon de penser, d’analyser et de rendre compte de l’acte de construire et d’habiter, non sans mettre au défi les chercheurs et chercheuses des disciplines de l’espace (architecture, urbanisme, paysagisme, géographie, anthropologie et sociologie de l’espace…). Bien plus qu’une intégration à la marge, la mise à l’agenda de nouveaux objets de recherche, tels que la justice environnementale (Blanchon et al., 2009), les migrations forcées, la pollution protéiforme, l’effondrement des écosystèmes, l’acidification des océans et bien d’autres encore, invite à reconfigurer les pratiques scientifiques, tant dans la formulation des problématiques que dans les moyens déployés pour tenter d’y apporter des éléments de réponse ou, à tout le moins, de réflexion critique (Tsing, 2017 ; Latour, 2021). Il s’agit de remettre au travail les imaginaires dominants (Pignarre et Stengers, 2005), les frontières disciplinaires, la manière d’aborder la complexité du réel et de rendre compte des entités invisibles ou invisibilisées, humaines comme non humaines (Descola, 2005 ; Morin, 2005 ; Despret, 2019).Il s’agit aussi de reconsidérer les modalités de diffusion des résultats des travaux menés et des éventuelles prises pour l’action qui en émergent. Plus largement, il s’agit de repenser le rôle critique de la recherche scientifique, en assumant avec « inventivité » méthodologique son rôle normatif et performatif (Wright Mills, 2000 ; Lury et Wakeford, 2012 ; Barrau, 2023).

C’est au regard de ce contexte de multi-crise s’interrogeant sous un jour nouveau les pratiques scientifiques que ce numéro ambitionne de questionner les apports des méthodes visuelles dans les recherches abordant l’habiter, au sens large du terme, au croisement des sciences sociales, de l’art de bâtir, de l’urbanisme, du vivant et/ou des disciplines artistiques. Il vise plus précisément à interroger les contributions et limites des méthodes visuelles en matière de reconfiguration des objectifs et protocoles d’enquête (axe 1), d’exploration de devenirs et d’ouverture des imaginaires (axe 2), ainsi que de décloisonnement des pratiques scientifiques et de co-construction des savoirs (axe 3)."

OBJET
"Les méthodes visuelles connaissent actuellement un succès croissant dans les travaux où l’espace constitue un objet d’étude privilégié (Pink, 2012 ; Bouldoires et al., 2017, Corsi et Buire, 2019), mettant à contribution les compétences de représentation et de communication - notamment graphiques mais pas que (dessin, photographie, vidéo, cartographie, sons...)- des chercheurs et chercheuses (Evans, 1986 ; Söderström, 2001). À la croisée des sciences sociales et des disciplines du spatial, en complément d’outils plus classiques (observation, entretien, questionnaire, analyse de contenu…), ces méthodologies produisent des cadres originaux d’enquête et de restitution des résultats (Shinn et Ragouet, 2005 ; Pauwels et Mannay, 2020).

Les apports des méthodes visuelles s’avèrent aussi diversifiés que la gamme d’outils qu’elles englobent. L’acte même de dessiner, de photographier, de filmer, d’enregistrer, de cartographier alimente les travaux en provoquant de nouvelles interactions avec les enquêté.es, entre autres selon le principe d’elicitation par l’image (Harper, 2002), et/ou en améliorant l’observation et la compréhension des terrains étudiés au fur et à mesure de l’élaboration des supports de restitution (Ingold, 2011 ; Causey, 2017). Plans, maquettes et outils numériques offrent différentes prises au public pour la réception critique de projets architecturaux et urbanistiques qui leur sont soumis, reconfigurant ainsi les interactions entre expert.es et usager.ères, tout en constituant des occasions de recherche (Laki et Houlstan, 2015 ; Yaneva, 2018). Le recours à la photographie lors d’une enquête de terrain permet notamment de densifier et de systématiser les observations, d’articuler le passage du cas au type, de traduire des séquençages temporels, ou encore d’intégrer une dimension collaborative (Conord, 2007 ; Meyer et Maresca, 2013 ; Chauvin et Reix, 2015). La vidéo permet d’aborder la question du sensible et des représentations sociales de l’espace habité (Balteau, 2021), et/ou d’ancrer les travaux dans des démarches de création, de participation ou de médiation (Corsi et Buire, 2019). Grâce au regard attentif qu’il mobilise lors de sa fabrication, le dessin permet, quant à lui, d’être dans une forme d’« observation dessinante » (Raport, 2020) qui révèle des éléments pouvant passer inaperçus dans la rapidité des prises photographiques. Il peut également être le fait des enquêté.es qui produisent alors une représentation et un sens spatial non perceptibles par la seule interview (Ledent et al., 2009). Le plan architectural peut lui aussi être mobilisé comme outil heuristique sous forme d’un « relevé habité » (Pinson, 2016) donnant à voir, par exemple, les tensions entre espaces vécus et espaces conçus, et/ou mettant à jour des entités invisibilisées. (...)"

AXES

  • Axe 1 : Mener l’enquête, donner à voir
  • Axe 1 : Ouvrir les possibles, (donner à) percevoir
  • Axe 3 : Questionner sa posture, fabriquer d’autres savoirs

"Pour beaucoup de chercheur.es, les méthodes visuelles invitent à sortir d’une zone de confort en se saisissant d’outils ou de dispositifs qui leur font explorer des formes empruntées aux univers techniques, artistiques et même populaires. En mobilisant ces supports qui donnent à voir en même temps qu’ils servent d’interface (Fevry et Vanneste, 2018), ils ou elles reconfigurent leur relation aux « autres » : le grand public, les enquêté.es, les autres disciplines scientifiques, le non humain… et prennent le pari de mieux se faire comprendre et d’interagir plus fluidement (Nocerino, 2016). Les méthodes visuelles font ainsi écho à la nécessité de mieux arrimer sciences et société, à tisser des liens fructueux face aux défis socio-environnementaux (Zélem, 2012).

Cet axe propose d’investiguer le recours aux méthodes visuelles dans les travaux mobilisant la recherche-action ou la recherche participative. Quels outils et formats permettent de rendre les enquêté.es (vivant et non vivant, humain et non humain) acteur.trices de la recherche ? Quelles sont les attentes associées à ces reconfigurations des acteur.trices de la recherche dans un contexte de multi-crises ? Comment garantir la rigueur scientifique, telle que définie au sein de chaque champ disciplinaire, quand les protocoles sont à réinventer, autant dans leurs formes que dans les êtres qu’ils convoquent ?

Ces éléments débouchent aussi sur des questions qui traversent l’ensemble des disciplines attentives aux contextes concrets de l’habiter. Comment gérer le caractère performatif de nos recherches (Crozat, 2009) ? Les recherches plus inclusives ne risquent-elles pas de soumettre à la visibilité des êtres qui ont autant à y perdre qu’à y gagner ? À l’issue des éventuelles transformations réciproques entre acteur.trices de la recherche, quels sont les usages sociaux et politiques des productions communes (notamment, de connaissance) ? Sont-ils multiples ? Opèrent-ils dans des registres autres que scientifiques, en tout ou en partie ? Comment les négocier ?"

INFORMATIONS PRATIQUES

Date limite de soumission : le 30 avril 2024.

Modalités : propositions d’articles sous forme d’un résulé de 1500 à 3000 signes espaces compris. Les propositions devront présenter clairement l’objet étudié, la problématique, le cadrage théorique, la méthodologie, les matériaux exploités et les modalités de leur production et de leur analyse, ainsi que la manière dont elles s’inscrivent dans l’appel. Format PDF.

Adresses d’envoi : rfmv.08@gmail.com

Pour plus d’informations, voir le site de la Revue Française des Méthodes Visuelles